Je reprends le train De Paris vers la Beauce Je refais le chemin à l’envers Tu n’es pas dans le train Tu n’y es plus depuis longtemps Les champs sont encore verts J’avais une main sur ton genou Tu portais une robe d’été aussi légère Que le vol d’un oiseau
Je refais le chemin à l’envers Tu es toujours dans mes pensées Mais le wagon est vide Et chaque gare à l’arrêt me ramène Au quai que tu as quitté Sans te retourner Dans un manteau d’hiver masquant Peut-être ton sourire ou tes larmes Je ne l’ai jamais su
Ce que je sais seulement C’est que tu es toujours en moi Comme un coquelicot rebelle Qui tache ceux qui le touchent Rouge était ta couleur C’était la mienne aussi Rouge ta robe d’été aussi légère Que le vol d’un oiseau Rouge mon cœur lourd
A présent le train arrive en gare Non je n’ai rien oublié sur la banquette Le wagon est vide et sans voix Pour me dire : Je suis bien avec toi Impossible de refaire le chemin à l’envers Il faut sortir se cogner à la foule Prendre le visage des autres sans amour Avancer avancer encore vers la sortie Vers l’abime de solitude.
FIN DU JOUR, poème. Par Pascal Hérault. C’est la fin du jour L’heure que je n’aime pas Les volets se ferment Et les visages aussi Chacun dans sa tanière A ramasser la poussière Du jour fini
D’aucuns disent C’était une belle journée D’autres encore Vraiment une journée pourrie
Chacun dans sa tanière Ramasse sa poussière Où brillent des étoiles Ou des soleils morts
Ainsi je vais par les rues Dérivant dans mon poème Sans trouver d’issue Les volets sont fermés Et les visages aussi.
Il pleut à verse J’écoute l’eau couler dans le caniveau Je vois ma vie crouler au fond de l’eau
Je n’ai jamais eu d’attirance pour les gens heureux Je connais trop leurs mensonges Un portefeuille bien garni Une belle cuisine aménagée Une nouvelle vie après le sport Fais-moi l’amour chéri N’oublie pas ton Viagra
On partira Comme on est né Dans les cris et les larmes Tout le monde assemblé Autour du malade Ou bien La solitude d’une chambre d’hôpital Merci de nettoyer la 264 Un nouveau patient attend On fait ce qu’on peut avec les médicaments Il ne va pas tarder à crever
Ou bien encore Si on a du courage Compter sur le Smith & Wesson 9mm Posé sur le chevet du soir Une balle suffit Viser le cœur Viser la bouche Repeindre la chambre en rouge Pour lui donner un air ensoleillé Mais c’est compliqué
Il faut aller chez l’armurier Bonjour je cherche une balle qui tue Et produire aussi comble de la vertu Un permis de port d’arme Pour se zigouiller
Depuis que je le sais L’idée de mourir a jeté sur moi Son ombre fatale Je n’y comprends que dalle A ces philosophes du Carpe Diem J’ai beau profiter Je vois toujours ma mort Se profiler Sur l’écran du GPS
Où faut-il aller ? Où est la direction ? Pourquoi cette déviation ? Je voudrais rentrer chez moi Dans ma maison aux murs de charbon Sur lesquelles je dessine parfois Un oiseau libre Une empreinte sur le sable de la plage Un bouquet de pivoines explosé de blancheur
Il pleut à verse J’écoute la pluie couler dans le caniveau Je vois ma vie crouler au fond de l’eau
Je suis cela Un feu follet Dont la lumière vive et brève Sera bientôt avalée par la nuit
Les gens heureux Passez votre chemin Vous verrez bien qu’un jour En dépit du butin D’autres prendront votre tour Alors plus rien Seulement le mauvais jour La pluie qui tombe La pluie qui tombe à verse Et s’en va se jeter au fond du caniveau.
En moi tu as insufflé La griffe et le miel La caresse et le désordre Le chaos et la mer étale Le désir de l’attente Et la torture du silence
En moi tu as déposé tout cela Sans vraiment y croire Comme on passe d’une pièce à l’autre Comme on feuillette un livre Qui bientôt tombera des mains
Et à présent tout est là encore Tout est là sans usure Et sans usage La pièce tes mains le livre ouvert Refusés verrouillés cadenassés Par le rasoir de ton silence
Il est tard Dans la rue on ferme les volets Tu n’aimes pas ce qui se ferme Tu ne l’as jamais aimé Les volets Les cafés Les chemins Les visages Les livres Les jambes Les bras Les yeux Les cœurs Tu aimes ce qui reste ouvert Toujours De jour comme de nuit Les champs Les forêts Les lacs Les paysages de lande Loch Lomond Cap Fréhel Starnberger See in Bayern L’appel de l’océan Le vent qui fouette la peau Tous les oiseaux Tous les cieux ouverts Aux dieux tutélaires Au je-ne-sais-quoi Au promeneur solitaire Au mouvement A la danse A la nage Aux nuages Au partage A l’ivresse douce Au cœur aventureux A toutes ces choses enfin Qui laissent l’esprit ouvert En éveil Et qui font qu’on s’émerveille encore D’un rien D’un sourire D’une épaule douce D’une pierre trouvée sur le chemin.