Le Feu follet





Il pleut à verse
J’écoute l’eau couler dans le caniveau
Je vois ma vie crouler au fond de l’eau

Je n’ai jamais eu d’attirance pour les gens heureux
Je connais trop leurs mensonges
Un portefeuille bien garni
Une belle cuisine aménagée
Une nouvelle vie après le sport
Fais-moi l’amour chéri
N’oublie pas ton Viagra

On partira
Comme on est né
Dans les cris et les larmes
Tout le monde assemblé
Autour du malade
Ou bien
La solitude d’une chambre d’hôpital
Merci de nettoyer la 264
Un nouveau patient attend
On fait ce qu’on peut avec les médicaments
Il ne va pas tarder à crever

Ou bien encore
Si on a du courage
Compter sur le Smith & Wesson 9mm
Posé sur le chevet du soir
Une balle suffit
Viser le cœur
Viser la bouche
Repeindre la chambre en rouge
Pour lui donner un air ensoleillé
Mais c’est compliqué

Il faut aller chez l’armurier
Bonjour je cherche une balle qui tue
Et produire aussi comble de la vertu
Un permis de port d’arme
Pour se zigouiller

Depuis que je le sais
L’idée de mourir a jeté sur moi
Son ombre fatale
Je n’y comprends que dalle
A ces philosophes du Carpe Diem
J’ai beau profiter
Je vois toujours ma mort
Se profiler
Sur l’écran du GPS

Où faut-il aller ?
Où est la direction ?
Pourquoi cette déviation ?
Je voudrais rentrer chez moi
Dans ma maison aux murs de charbon
Sur lesquelles je dessine parfois
Un oiseau libre
Une empreinte sur le sable de la plage
Un bouquet de pivoines explosé de blancheur

Il pleut à verse
J’écoute la pluie couler dans le caniveau
Je vois ma vie crouler au fond de l’eau

Je suis cela
Un feu follet
Dont la lumière vive et brève
Sera bientôt avalée par la nuit

Les gens heureux
Passez votre chemin
Vous verrez bien qu’un jour
En dépit du butin
D’autres prendront votre tour
Alors plus rien
Seulement le mauvais jour
La pluie qui tombe
La pluie qui tombe à verse
Et s’en va se jeter au fond du caniveau.

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